Peu vaut plaisir qui mène à damnement
- Préface
- Et fera fin confuse et enlaidie
- Tout nu d’honneur et de béatitude
- Et tous ses faits ténébreux se réprouvent
- Afin qu’il sente autrui plaie première
- Car de ses moeurs sa famille la preuve
- Et qu’ainsi veut, de quoi fait-il à plaindre
- Et à tout ce qui dessous lui repose
- Et ne sied pas du contraire le croire
- Laquelle il a par dol faite et tissue
- Vont maudissant pour sa vie mauvaise
- Qui de nului n’a grâce fors que blâme
- Et que son heur ne lui tourne en l’oblique
- Mal lui en viendra, pour tout certain s’en tienne
- Chacun aussi lui garde telle meure
- Fors que tout tourne en son sac, marc et livre
- Et si n’en fait ni estime, ni glose
- Car ce serait pire que sang épandre
- Et contre lui former larmes et plaintes
- Et hait tous ceux dont digne est la mémoire
- Et de salut désire à être quitte
- Et au courroux de nul des deux n’a compte
- Pour ce que l’oeuvre en est dénaturelle
- N’est pas bien sain ni de noble nature
- Et dont lui-même il maudira sa tête
- Ni que le ciel lui prête ombre ni voie
- Mais donnez-y amendement
- le Bâton dont il est battu
- C’est très bien dit, mais quérez qu’il le fasse
- Qui vaille honneur et véritable bouche
- Ou mieux te fût n’avoir onc été né
- Car aussi tôt meurent jeunes que vieux
- Bénin de coeur, amiable en regard
- Sans y mettre nulle division
- Par tels moyens sont punis toutes gens
- Gens sans argent ressemblent corps sans âme
- Dieu ne sera point juste s’il l’endure
- Nage autre part pour tes ébats
- Connu ton cas, mener grand déconfort
- Peu vaut plaisir qui mène à damnement
- On dit très bien, mais on fait le contraire
- C’est grand méchef et n’y voulons pourvoir
- J’en suis content) tu n’es pas sage
Trop désirez la mondaine* plaisance, [du monde]
Peu aimer Dieu et ses commandements,
Trop convoiter honneurs et grand’ puissance,
Peu redouter les divins jugements,
Trop blasphémer, faire faux jurements,
Peu soutenir loyauté et droiture,
Trop éloigner de Dieu la créature,
Peu sont de gens qui vivent saintement,
Trop nous mettons en damnable aventure,
Peu vaut plaisir qui mène à damnement*. [damnation]
Trop présumons avoir haute savance*, [science]
Peu recordons* les bons enseignements, [gardons à l’esprit]
Trop acquérons sans loyauté chevance*, [bien que l’on possède]
Peu nous souvient des infernaux tourments,
Trop nous parons de pompeux vêtements,
Peu avisons que sommes pourriture,
Trop parfaisons* l’appétit de nature, [satisfaisons]
Peu entendons à notre sauvement*, [salut]
Trop appétons* des corps la nourriture, [désirons ardemment]
Peu vaut plaisir qui mène à damnement*. [damnation]
Trop regardons des autres la méchance*, [malheur, souffrance]
Peu voulons voir nos faux gouvernements*, [comportements]
Trop nous fions en faillible espérance,
Peu appliquons à bien nos sentiments,
Trop poursuivons yeux et ébatements,
Peu esquivons de vices la pointure*, [piqûre]
Trop méprisons de bonté l’ouverture,
Peu labourons* de notre entendement*, [travaillons | intention, avis, enseignement]
Trop délaissons la divine écriture,
Peu vaut plaisir qui mène à damnement*. [damnation]
Prince, je dis pour vrai sans couverture* [faux semblant]
Trop fort aimons du monde la pâture,
Peu y ferons et mourrons pauvrement,
Trop amère est enfin sa confiture,
Peu vaut plaisir qui mène à damnement*. [damnation]