le Sommeil de la jeune fille
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À M. Sainte-Beuve
Parmi les franges d’or, sur l’oreiller soyeux,
La jeune fille, au soir, pose un front moins joyeux,
Endort une âme moins charmée
Que dans l’humble hameau cher à son cœur aimant,
Où la fraîcheur des bois caresse doucement
Son lit de mousse et de ramée.
La jeune fille heureuse en ce riant séjour,
Se couche dans les bois, ferme son œil au jour,
Et puis se relève et s’élance,
Et quand parmi les fleurs ses doigts se sont joués,
Laisse flotter aux vents ses cheveux dénoués,
Dénoués avec nonchalance.
La jeune fille encore aime à se rendormir
Dans la chaumière, à l’heure où se prend à gémir
Le peuplier sous sa fenêtre.
Elle aime la nuit sombre, et sur les vitraux blancs,
Les rayons de l’aurore incertains et tremblants,
Quand l’aurore commence à naître.
Son regard, plus serein qu’une étoile des cieux,
Se ferme avec douceur : sur son bras gracieux
Sa tête en murmurant s’incline ;
Elle dort, son beau cou mollement replié,
Comme le passereau qui repose oublié
Sur le gazon de la colline.
Et jusqu’au frais matin prolongeant sa langueur,
Le plus doux des sommeils environne son cœur
D’espérance et de rêveries ;
Elle parle, et sa voix n’est qu’un suave accord :
Heureuse si l’amour n’arrache pas encor
Un nom de ses lèvres fleuries !
Et près du lit modeste embaumé de jasmin
Où brille seulement l’ivoire de sa main,
Le silence accourt et se pose :
Il berce sa jeune âme exempte de soucis
Jusqu’à l’heure où l’aurore effleure ses longs cils
Et son beau cou devenu rose.
L’aube fait place au jour : sa flamme rejaillit
De la blanche fenêtre aux rideaux de son lit,
Et rend sa beauté plus touchante.
Elle s’éveille enfin : ouvrant ses yeux d’azur,
Elle s’éveille et part aux lueurs d’un ciel pur,
Au bruit du rossignol qui chante.
Elle part : quel bonheur de courir, de voler
Sous la verdure sombre, et de voir onduler
Chaque arbrisseau, chaque ramée.
Quand le jour s’agrandit à l’horizon lointain,
Et que l’herbe étincelle aux flammes du matin
Dans la prairie accoutumée !
Elle part : c’est alors surtout qu’il faut la voir
Mouiller un pied d’albâtre au courant du lavoir
Dans l’allée humide et brillante,
Et, le front tont couvert des larmes de la nuit.
Secouer sur la feuille où chaque perle luit,
Sa chevelure ruisselante.
Et puis du sein des eaux retirant ses pieds nus,
Elle cherche, à travers des sentiers inconnus,
Une route à demi frayée.
Mais un bruit faible approche ; elle court, elle fuit,
Semblable dans son vol au ramier qu’on poursuit,
À la tourterelle effrayée.
C’est qu’un rien l’épouvante, une ombre, un bruit de fleur,
C’est que la jeune fille est comme le bonheur :
Tous deux charment, tous deux consolent,
Tous deux ont un parfum dont la grâce séduit :
On veut le respirer, mais au plus léger bruit
Jeune fille et bonheur s’envolent.