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- Aux Catholiques
Oui, la tempête est vaste et rude,
Tout déborde ; le flot vainqueur
Envahit chaque solitude
Où s’ensevelissait le cœur.
En vain changerions-nous de place
En vain demanderions-nous grâce
Pour nos navires fracassés ;
Les cieux épaississent leur ombre,
Et je ne sais quelle voix sombre
Nous crie avec force : Avancez !
Avancez, car le divin Maître
Fera de ce monde un lambeau,
Car pour achever de renaître,
Il faut passer par le tombeau.
Il faut que tout se démolisse, .
Et qu’une autre lave jaillisse
De ce cratère encor fumant ;
Ce globe épuisé de blessures
N’en est qu’aux premières tortures
De son pénible enfantement.
Ne voyez-vous pas que l’orage
S’est abattu de tous côtés
Sur ce fragile échafaudage
De trônes et de majestés ?...
Ne voyez-vous pas que l’abîme
Engouffre à peine sa victime,
Qu’une autre s’ébranle à son choix ;
Qu’aucune grandeur ne l’arrête,
Et que chaque vent de tempête
Jette aux écueils un flot de rois ?
Ne l’entendez-vous pas bruire
Cet aquilon mystérieux,
Ce souffle empressé de détruire
Qui gronde de la terre aux cieux ?
Ne l’avez -vous pas reconnue
Cette voix qui sort de la nue,
Voix plus perçante que l’éclair,
Qui rompt la torpeur où nous sommes,
Et fait s’entre-choquer les hommes,
Comme les moucherons de l’air ?
Eh quoi ! personne ne se lève
Contre la tempête et le vent !
Personne au flot qui nous soulève
Ne dispute un terrain mouvant !
Oh ! j’irai — mon instinct m’y pousse,
A travers la grande secousse
Dont le siècle est tout déchiré.
Cette vague qui prend sa proie,
Cet abîme hurlant de joie
Triomphe en vain — je chanterai.
Je chanterai malgré l’orage,
Et, debout sur l’étroit sillon,
J’opposerai, plein de courage,
Ma poitrine à ce tourbillon.
Ma voix, sans relâche et sans crainte,
Défendra la vérité sainte
Que le siècle cherche à ternir.
Il faut, quand tout meurt ou s’altère,
Que chacun apporte sa pierre
Au monument de l’avenir.
Eh bien ! ces hymnes sont la mienne,
C’est là l’œuvre d’un saint devoir ;
C’est là le cirque où Dieu m’amène,
Où je combattrai sans espoir.
Ainsi l’athlète infatigable,
Jeté de son haut sur le sable,
Le serre d’un genou puissant,
Lutte, se roule et lutte encore
Jusqu’à ce que le sol dévore
Sa dernière goutte de sang.
Or, ce n’est pas une chimère,
Un rêve, un décevant appel ;
J’ai vu dans l’insomnie amère
Les visions de l’Éternel. —
Que de fois, sous le vent de flamme
J’ai senti fermenter mon âme
Et battre mon cœur agrandi !
Que de fois j’ai mordu ma couche,
Comme le lionceau farouche
Sous l’ardent éclair du midi !
Et maintenant je la dédaigne
La vie où j’ai bu tant de pleurs ;
Et je chante, et quand mon cœur saigne,
Je me dis : Regardons ailleurs.
La vie ! oh ! c’est un jour de fièvre,
Elle dessèche plus la lèvre
Que l’atmosphère de Zhara :
Oh ! j’en aspire une meilleure,
Et je saurai, quand viendra l’heure,
La jeter à qui la voudra.
Il est vrai que la route ardue
Souvent déchirera mes pieds,
Et que ma voix inentendue
Répandra des sons oubliés.
Mais que n’importe ? avec droiture
J’aurai rempli ma tâche obscure,
Et l’oubli m’affligera peu.
La gloire (oh ! mon cœur en tressaille),
La gloire a-t-elle rien qui vaille
L’auréole qui vient d’un Dieu !
Une âme ! que j’arrache une âme
A ces ténèbres de la mort ;
Voilà le prix que je réclame,
Voilà le but d’un long effort.
Une âme qui pleure et qui souffre,
Une âme errante au bord du gouffre
Formidable et silencieux,
Une âme, une âme que j’entraîne,
Et ma carrière sera pleine,
Et j’aurai vécu pour les cieux !