À M. de Lamartine
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À M. de Lamartine
Juillet 1831
Ainsi, malgré nos jours de force et de lumière,
Cette reine des temps, la Poésie altière.
Vient de subir encor leur profanation,
Alphonse, et le dédain s’étend jusqu’à toi-même
Tu n’iras pas t’asseoir à ce banquet suprême
Des élus de la nation.
Triomphe étrange ! en vain quand la lutte s’engage,
Tu donnais ton génie et ta gloire pour gage,
Ils lancent l’anathème à des titres si beaux :
Qu’importe?... à leur tribune où ta gloire est absente,
Si tu ne montes pas, ta voix libre et puissante
En aura-t-elle moins d’échos ?
Ah ! ta tribune, à toi, c’est la grande montagne
Où, quand tu vas rêver, l’aigle seul t’accompagne ;
C’est l’Apennin désert, l’Océan solennel ;
C’est le vieux lac bleuâtre où tu guidais Elvire,
Où tu chantais debout sur ton frêle navire,
Et face à face avec le ciel.
Le ciel !... ta vie est là, chaque voix t’y réclame ;
C’est la seule demeure au niveau de ton âme.
Oh ! n’abandonne pas ces belles régions ;
N’en descends pas : veux-tu sur un globe de fange
Offrir à tous les yeux le spectacle de l’ange
Découronné de ses rayons ?
Non — mais, fort de ta gloire et pur de toute crainte,
Tu venais, appuyé sur la liberté sainte,
Contenir en son nom le flot dévastateur :
C’est que, jugeant de haut la tempête où nous sommes,
Tu voulais tôt ou tard courber tous ces fronts d’homme ?
Devant la croix du Rédempteur.
Ils ne l’ont pas compris ! eh bien ! au flot qui gronde,
Tu n’auras pas du moins mêlé ta voix profonde,
Tu restes dans l’espace où ton génie est roi :
Relève donc ton âme et prends la lyre, ô maître !
Le siècle où nous vivons t’échappera peut-être,
Mais l’avenir est plein de toi.
C’est en vain qu’aspirant à sa sphère méconnue,
Le poète, debout, touche du front la nue ;
Qu’est-ce pour le vulgaire, insensible témoin ?
La taille du géant trompe ses yeux timides,
Le poète est semblable aux vieilles Pyramides
Que l’œil n’embrasse que de loin.
Aussi, las de combattre un torrent qui l’entraîne,
L’Homère des Martyrs vient de quitter l’arène ;
Il part, il cherche ailleurs la terre du sommeil :
Comme le grand vautour blanchi par les années,
Qui change, pour unir ses hautes destinées,
Et de montagne et de soleil.