Hymne du siècle
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- Credo
- Crépuscule
- Paul
- l’Océan
- Anna
- Destruction des croix
- Rosa mystica
- Hymne du siècle
- Souffrances d’hiver
- Rayons de printemps
- le Sommeil de la jeune fille
- Oh ! viens me consoler
- Sainte-Hélène
- Épanchement
- Fannie
- Ballade
- Heure d’amour
- Ode
- À M. de Lamartine
- Vous n’aviez pas aimé
- Peine de mort
- Malheur !
- Que faut-il aux âmes ?
- Abandon
- Caliban
- Reproches
- la Mort de ...
- Aurore
- Dernier appel
- Regret d'autrefois
- Chasse gothique
- la Poésie
- le Catholicisme
- Plainte
- le Choléra
- l’Âme des Poètes
- un Ami
- l’Oiseau inconnu
- Résolution
- Mélancolie
- la Beauté
- Entraînement
- Fièvre
- une Espérance
- Scène de naufrage
- Pendant la nuit
- Prière
- Non, je n’oublierai pas
- Au bord de la mer
- Francesca d’Arimino
- l’Eglise
- une Idée sombre
- Fuite
- Vision
- Aux Catholiques
Le jour, voilà le jour — Que sa lumière est molle !
Quels torrents de parfums sur les flots et dans l’air,
L’horizon qui se pare étend comme un éclair
Son manteau radieux sur la nuit qui s’envole.
Éveillez-vous, fleurs de l’été,
Fleurs que le vent balance a l’ombre de ces voûtes ;
Et toi, la plus belle de toutes,
Éveille, éveille-toi, timide volupté !
Dies iræ, Dies illa,
Solvet seclum in favilla,
Teste David cum Sybilla.
Volupté, volupté, n’est-ce pas ton ivresse
Qui donne la vie à nos cæurs ?
Ne savourons-nous pas de suprêmes bonheurs,
Grâce à ta fièvre enchanteresse ?
Volupté, viens à nous, volupté, c’est ton jour :
Viens, et parmi les fleurs, sous l’aube protectrice
Que notre âme s’épanouisse
Au souffle embaumé de l’amour.
Quantus tremor est futurus,
Quando judex est venturus,
Cuncta stricte discussurus !
Oh ! l’amour, seul désir, seul besoin de nos âmes,
L’amour par qui je meurs — accourez, blanches femmes,
Accourez vite auprès de nous :
Chantez, mêlez vos voix au vent qui vient d’éclore ;
Vos voix ont tant de charme, et le vent de l’aurore
Est si caressant et si doux !
Tuba mirum spargens sonum
Per sepulcra regionum,
Coget omnes ante thronum.
Les voilà, les voilà, ces beautés séduisantes,
Amis, je veux passer mes jours
Au sein des légères amours,
Jusqu’à l’heure où bercé par leurs chansons riantes,
Je m’endormirai pour toujours.
Mors stupebit et natura,
Cum resurget creatura
Judicanti responsura.
Héléna, Phalaïs, quel espoir infidèle,
Quel effroi décevant pourrait nous retenir ?
De ces heures d’amour dont la chaîne est si belle,
Que reste-t-il ? pas même un faible souvenir.
Liber scriptus proferetur,
In quo totum continetur,
Unde mundus judicetur.
Le chœur bruyant s’éloigne — Écarte, ô bien-aimée,
Écarte ces rameaux mystérieux et frais ;
Nous n’avons pour témoins que les vieilles forêts ;
Écarte ces rameaux — leur voûte refermée
Ensevelira nos secrets.
Judex ergo cum sedebit,
Quidquid latet apparebit,
Nil inultum remanebit.
Laisse, oh ! laisse ta main tressaillir dans la mienne,
Penche-toi sur mon cæur — gracieuse enfant !
Pourquoi, lorsque mon bras t’enlace et te ramène,
Pourquoi trembler comme le faon ?
Quid sum miser tunc dicturus ?
Quem patronum rogaturus
Cum vix justus sit securus?
Laisse, oh ! laisse flotter le long de tes épaules
Tes cheveux qu’un doux parfum suit :
Ne crains pas, cher amour — ce bruit, ce faible bruit,
Ce n’est qu’un jeune oiseau qui chante sous les saules ;
Laisse, oh ! laisse flotter sur tes blanches épaules
Tes cheveux plus noirs que la nuit.
Rex tremendæ majestatis,
Qui salvando salvas gratis,
Salva me fons pietatis.
Ah ! devant cette ivresse où notre âme se plonge,
Terreurs de l’avenir, n’êtes-vous pas un songe ?
Recordare, Jesu pie,
Quod sum causa tuae viæ,
Ne me perdas illa die.
Aimons, n’attendons pas que l’heure soit passée ;
Laissons une tourbe insensée
S’écrier qu’en ce monde il n’est pas une fleur,
Une seule où la main ne se sente blessée
Par l’épine de la douleur.
Puisqu’il faut tôt ou tard descendre dans la tombe,
À quoi bon s’abreuver de tristesse et d’ennui ?
La vie est un flot pur qui ne court et ne tombe
Qu’à l’Océan pur comme lui.
Quærens me sedisti lassus,
Redemisti crucem passus,
Tantus labor non sit cassus.
Atomes d’un instant, nés de la fange immonde,
Qui vous a dit que Dieu, ce suprême moteur,
Descendra jusqu’à vous de toute sa hauteur ?...
Frères, qui vous a dit que son æil scrutateur
S’ouvre incessamment sur le monde ?
Ah ! vous rabaissez trop cet Être indéfini ;
Ah ! vous élevez trop l’homme, ce grain de sable,
Parcelle obscure et misérable
Lancée à travers l’infini.
Juste judex ultionis,
Donum fac remissionis,
Ante diem rationis.
Mais le jour baisse, adieu ! — Ta main m’échappe, arrête,
Oh ! pourquoi ce cruel départ,
Pourquoi ce triste adieu jeté comme au hasard,
Et qui vient clore toute fête ?...
Reste, ah ! reste — Mais non — tu détournes la tête,
Et mon âme se meurt à ton dernier regard.
Ingemisco tanquam reus,
Culpa rubet vultus meus,
Supplicanti parce Deus.
La voilà déjà loin — Oh ! quittons cette place,
Cette place où mon æil ne doit plus la revoir ;
Quittons-la — Je ne sais, mais cet adieu me glace :
Ô mon âme, faut-il qu’un jour si beau s’efface,
Et que le bonheur ait un soir !
Peccatricem absolvisti
Et latronem exaudisti;
Mihi quoque spem dedisti.
Tout s’éteint — la nuit tombe — un rideau s’amoncelle ;
Plus de beauté riante au coup d’oeil virginal,
Plus d’amour — la nuit tombe, elle abat sa grande aile
Froide et silencieuse — Oh ! la nuit me fait mal.
Preces meæ non sunt dignæ,
Sed tu bonus fac benigne
Ne perenni cremer igne.
La nuit ! — elle environne un ciel terne et sans flamme,
La nuit ! — elle est partout et jusque dans mon âme.
Inter oves locum præsta,
Et ab hædis me sequestra,
Statuens in parte dextra.
Me voilà seul ici — point de voix qui me nomme,
Point de regards autour — Me voilà seul, j’ai peur.
Mon sein bat et se gonfle ! — Ah ! le destin de l’homme
Serait-il de trembler en face de son cæur ?
Confutatis maledictis,
Flammis acribus addictis,
Voca me cum benedictis.
Qu’ai-je entendu ?... D’où vient cette parole amère ?
Quand j’ai crié : Bonheur ! qui m’a crié : Chimère ?
Oro supplex et acclinis,
Cor contritum quasi cinis,
Gere curam mei finis.
Chimère?... eh quoi ! les væux, les instincts de nos âmes,
Illusion semée à travers le chemin,
Espoirs riants, secrètes flammes,
Tout cela pâlirait demain !
Nos plaisirs les plus doux se changeraient en crimes,
Fantômes qui prendraient place à notre côté,
Aux rayons vengeurs et sublimes
De l’immuable Éternité !...
Ah ! chassons-le plutôt de ma lèvre tremblante
Ce mot d’Éternité qui suit partout mes pas...
L’Éternité !.... mensonge, image décevante !...
Qu’un autre y croie et s’épouvante,
L’Éternité !.... je n’en veux pas !
Lacrymosa dies illa
Qua resurget ex favilla
Judicandus homo reus,
Huic ergo parce Deus !
Revenez, revenez, délices de la vie,
Plaisirs des sens, ma seule envie,
Soleil consolateur, horizon pur et bleu,
Revenez, revenez — Oui, le ciel se colore —
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Qu’ai-je aperçu ?... D’où part cette sanglante aurore ?...
Est-ce le jour ?... Mais non : si c’était l’autre... — ô Dieu !
Pie Jesu Domine,
Dona eis requiem.