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Où vas-tu, ma pensée ?... ô mon âme, où s’arrête
Ton essor convulsif, ton élan de poète
Vers un soleil meilleur ?
Où doit-elle tarir, à quels deux, à quel monde,
Cette sève de feu, cette lave profonde
Qui déborde mon cœur ?
Ah ! demande où se perd l’Arabe dans sa fuite,
Quand du pâle coursier que la peur précipite
Les vents fouettent le crin ;
Quand le long du désert meurtri par ses pieds rude
Il passe, vole et jette aux vents des solitudes
L’écume de son frein ?
Et la trombe du ciel, colonne merveilleuse,
Où va-t-elle, dis-moi, quand sa tête houleuse
Verse de froids torrents,
Et que, s’attaquant même au mont impérissable.
Elle entasse sur lui, comme des grains de sable,
Les cèdres les plus grands ?
Mon âme, eh bien ! mon âme est la trombe élancée,
La cavale qui court d’une course insensée
Au désert spacieux ;
La cavale !... mon âme est plus rapide encore,
Elle devancerait un rayon de l’aurore
Dans l’infini des cieux.
Son vol franchit les Ilots, son \ul perce la nue ;
Là, son regard saisit quelque image inconnue
Sous les brumes de l’air :
Elle aspire à ce Dieu qu’il faut aimer et craindre,
Et sa pensée ardente emprunte pour l’atteindre
Les ailes de l’éclair.
Adieu le frais repos de mes belles années,
Rêves d’un âge tendre, oasis fortunées
Où s’endormait mon cœur ;
Adieu l’hymne d’amour, le soir au bord du fleuve,
Et les premiers soupirs d’une âme chaste et neuve
Qui s’éveille au bonheur!
Ce qu’il faut maintenant, ce n’est point, ô mon âme,
D’harmonieux concerts embaumés de cinname,
Reflets d’un songe d’or :
Adieu l’espoir d’azur, adieu les chants de fête !
L’Esprit, dont l’aile sombre enveloppe ma tête,
A passé sur Endor.
Et son doigt m’a montré l’infortune insultée.
Et mon cœur a frémi, ma chair s’est contractée
En face de ces deuils :
Et j’ai pris en pitié tout ce peuple folâtre,
Quand j’ai vu la douleur, hôtesse opiniâtre,
S’asseoir à tant de seuils.
Vents des cieux et des eaux, d’où vient ce bruit d’orages ?
Mon oreille effrayée entend le flot des âges
Prêt à nous engloutir :
Et mon œil, au-dessus de nos villes sans nombre,
Mon œil voit se dresser comme un prophète sombre,
Le fantôme de Tyr.
C’est en vain que le siècle étend sa main glacée.
Il succombe... La Mort tient sa proie enlacée
Dans un cercle de fer.
Navigateurs joyeux qui riez sur la proue,
Le flot gronde... tremblez que le vaisseau n’échoue
Aux portes de l’enfer !
N’interrogez donc plus le poète ; — s’il chante
Malgré cette atmosphère épaisse et desséchante,
S’il va luttant toujours,
C’est qu’il veut arracher à l’impure débauche
Ces générations que le bras divin fauche
Dans le sillon des jours ;
C’est que le Christ est là ; lui seul est notre étoile,
Lui seul nous aide encore à percer ce grand voile
Où la raison se perd ;
C’est que, malgré le temple et la croix qui s’écroule,
Il faut heurter le siècle et ramener la foule
Au Golgotha désert.
Et voilà les douleurs, les craintes amassées
Qui roulent dans mon âme, abîme de pensées
Plein d’ombre et de rumeur ;
Voilà pourquoi mes yeux, que la fatigue accable,
Se tournent vers celui qui seul reste immuable
Quand tout s’etface et meurt.
C’est Jéhovah, c’est lui qui suspend ou détache
Les innombrables cieux que l’immensité cache
Sous son rideau puissant :
Il parle, et tout gravite, et s’il touche le monde,
Le monde se broîra comme le ver immonde
Sous le pied du passant. -
Va donc jusqu’à ton Dieu, va donc, ô ma pensée,
Non plus comme l’Arabe et la trombe élancée,
Au hasard et sans lois,
Non plus comme l’autour, comme l’aigle intrépide,
Qui voudraient embrasser dans leur élan rapide
Tous les cieux à la fois ;
Mais comme un ruisseau pur, dès qu’il est né, commence
Son cours mystérieux jusqu’à la mer immense,
Et s’y dérobe enfin ;
Remonte, ô ma pensée, à ta source première,
Et faible goutte d’eau, plonge-toi tout entière
A l’océan divin.