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Vaisseau majestueux, nef solide et profonde,
Ô toi dont l’étendard s’élève sur le monde
Malgré la brume et l’ouragan !
Ô toi qui, déployant ta voile toujours prête,
Supportes, sans fléchir, l’assaut de la tempête
Et la houle de l’Océan !
Ô vaisseau ! depuis l’heure où Dieu dissipa l’ombre,
Et brisa d’un mot seul les idoles sans nombre
Qu’adorait le vaste univers ;
Depuis l’heure où le Christ t’arracha de l’arène,
Et poussant sur les flots ta sublime carène,
Ouvrit ton aile au vent des mers ;
Ô vaisseau ! que de fois la vague mugissante
Essaya d’ébranler ta mâture puissante !
Que de fois sur les mers sans fond
Ces monstres inconnus, dont l’abîme se joue,
Heurtèrent du poitrail ta gigantesque proue
Qui les broyait à chaque bond !
Que de fois, quand l’orage étend son vol et brille
Au plus profond des cieux, tu fis passer ta quille
Sur le corps de Léviathan !
Que de fois, malgré l’ombre autour de toi semée,
Tu vis poindre au milieu d’une épaisse fumée
La tête pâle de Satan !
De Satan , spectre impur qui s’élève et retombe
Sur tes mâts glorieux, comme une lourde trombe
Que ton choc éternel vaincra ;
De Satan, roi maudit, qui roule avec mystère
Son œil plus flamboyant que l’œil de la panthère
Aux solitudes de Zhara.
Et puis, obscurcissant les flots que tu sillonnes,
Que de fois la nuée abaisse ses colonnes !
Que de fois, sur des bords lointains,
Tu luirais au hasard sans lumière et sans flamme,
Si tu n’avais pas Dieu, ce grand soleil de l’âme,
Pour illuminer tes chemins !
Mais il veille là haut — ses anges qu’il envoie
Se hâtent de descendre et d’aplanir ta voie
Au milieu des brumes de l’air ;
Il veille, il tend sa main comme une large voûte
Quand l’Esprit orgueilleux fait pleuvoir sur ta route
Les étincelles de l’enfer.
Il veille, et le vent tombe et le navire flotte :
Que redouterais-tu !... le Christ est ton pilote,
Le Christ abat ces flots sans frein :
Aussi rien n’aura fait vieillir tes destinées ;
La vague des temps passe, et ses deux mille années
N’ont pu rouiller tes flancs d’airain.
Qu’importe, ô vaisseau fier ! quand ton Dieu te rassure,
Que les géants des eaux redoublent leur morsure
Et se dressent comme des monts ?...
Marche, ô vaisseau ! — là bas le port t’appelle et s’ouvre,
Marche à travers les flots dont l’écume te couvre,
A travers l’aile des démons.
Marche, et tu rouleras sur les lames grondantes,
Et tu verras pâlir ces prunelles ardentes
Dont l’éclair te suit en tous lieux ;
Marche, et les cieux lointains dépouilleront leurs voiles,
Et tu verras dans l’ombre un bouclier d’étoiles
Couvrir tes mâts audacieux.
Ce grand phare t’éclaire, ô vaisseau ! quand tu passes,
Une voix merveilleuse à travers les espaces
Retentit comme un doux appel ;
Et l’âme, transportée au-dessus des orages,
Retrouve, à chaque vent qui meurt dans tes cordages,
Un écho des cygnes du ciel.
Ils sont là — leurs regards te suivent dans la houle,
Ces martyrs des vieux temps, ces martyrs, noble foule
Que l’œil distingue à leurs rayons ;
Foule victorieuse et pourtant désarmée,
Qui cria « Gloire au Christ ! » sur la roue enflammée
Et sous la griffe des lions.
Ils sont là dans la nue et leur bras t’environne,
Tous ces milliers d’Esprits qu’une flamme couroune,
Reflets brillants du divin roi,
Esprits qu’un pur amour devant tes pas ramène,
Ils sont là dans la nue, et leur suave haleine
Rafraîchit l’air autour de toi.
Va donc, ô vaisseau fier ! va sous leur aile sainte,
Va sur les grandes eaux sans redouter l’étreinte
Du flot qui gronde à ton côté :
Ô vaisseau ! marche au port prédit par les prophètes ;
Marche, marche toujours, jusqu’à ce que tu jettes
Ton ancre dans l’Éternité !