Vaines attentes
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- Nuit insulaire
- Chanson de marche
- Entre Plomeur et Plovan
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- En mai
- la Chanson du vent de mer
- À Paimpol
- Écrit par un clerc lettré
- Treger
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- Sône
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- Vaines attentes
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- Chant de mer
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- le Miroir épave
- Jean L’Arc’hantec
- Cimetières intimes
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- À la sortie de l’école
- Ballade
- Dans la grand’hune
- Sône
- Chanson blanche
- Rumengol
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- Symbole
- Après vêpres
- Nos morts
- Rêve
- le Chant des nuages
- le Chapelet d’angoisse
- le Temps des saintes
- la Chanson de notre reine Anne
I
La pluie au vent de mer s’égoutte
Dans la barbe verte des pins ;
Et des femmes suivent la route,
Qui vont au bourg pétrir leurs pains.
Sous la mouvante capeline,
Leur face rosée, au ton clair,
Sent bon la bonne odeur saline,
L’odeur de flot qui dort dans l’air.
Et ce sont des filles de grève
Qui vont entre elles devisant
De l’homme qui les hante en rêve,
Toujours aimé – toujours absent !
II
Ils sont là-bas, dans les eaux mornes,
Les fiancés et les époux ;
Autour d’eux est la mer sans bornes,
Et sur eux le firmament roux.
De longs voiles tissés de brume
Pendent du haut du ciel muet…
En Bretagne un foyer s’allume,
Et voici le chant du rouet…
Eux aussi, de leurs voix bourrues,
Chantent ! … Nul écho ne répond…
Un mousse éventre des morues
Qui gisent à plat sur le pont.
Et l’on voit couler sur les planches,
On voit jaillir par les sabords,
Tout constellé d’écailles blanches,
Le sang rouge des poissons morts.
III
Doucement, doucement bercées
Par le chant si câlin des flots,
Les épouses, les fiancées
Dorment au fond des grands lits clos.
Chacune d’elles, mère, femme,
Fille vierge en désir d’amour,
A bien prié sa Notre-Dame
D’Espérance et de Bon-Retour.
Et toutes elles font ce rêve
D’un pas lointain, d’un pas connu,
Qui par l’étroit sentier de grève
Jusqu’à leurs portes est venu.
Les clefs tournent dans les serrures.
– « Voici venir qui j’attendais !… »
Des hommes aux larges carrures
Entrent. . . Ce sont les Islandais !
A des visages noirs de haie
Pendent des barbes de glaçons.
On entend la flamme qui râle
Sur le cadavre des tisons.
Les Bretonnes ensommeillées
Étreignent les gars à plein corps !
Dieu ! qu’ils ont les lèvres mouillées !
Sont-ils vivants ? … S’ils étaient morts ! …